L\'Esprit Rando

L\'Esprit Rando

Traversée de Mafate en 4 jours

26-29 décembre 2005



Les Trois Salazes, cirque de Cilaos

Voilà près de 5 mois que j'ai débarqué à La Réunion, et la montagne me tend les bras.J'ai bien sûr déjà fait quelques "incontournables", comme le Piton des Neiges en 1 jour, ou le Piton de la Fournaise qui m'a régalé d'une petite éruption en octobre. La première d'une belle série pendant mes 2 ans.

Mais j'ai des fourmis dans les godillots, car il me tarde d'attaquer le bois dur, à savoir des randonnées, des vraies, des treks de plusieurs jours. C'est ainsi qu'avec 4 compagnons, j'entreprends la traversée du Cirque de Mafate, du 26 au 29 décembre 2005. Le projet était ambitieux vu le peu d'entrainement que j'avais à l'époque ; mais je ne m'en suis rendue compte que trop tard. Et c'était très bien comme ça.

Au matin du 26 nous nous retrouvons à Cilaos, plus exactement sur la route d'Ilet à Cordes, au niveau du départ du sentier du Col du Taïbit. Ah, ça va commencer très fort !Allez, on souffle, on grimpe les marches, on salue les Trois Salazes et la Tête de Chien. Une parenthèse sur les marches. La Réunion est une sorte d'escalier géant. Mais ça aussi, je ne l'ai su que plus tard...!



sentier du Col du Taïbit,
et halte bienfaisante à l'ilet des Salazes

Une petite infusion (le fameux "ascenseur") à l'Ilet des Salazes, et c'est reparti d'un bon pas.  Il faut bien 2h30 pour atteindre le col battu par les vents, et passer enfin dans le Cirque de Mafate . La descente déroule toute seule jusqu'à Marla, et comme il est midi largement passé, eh, eh ! La vie étant une question de priorités, à table !


épicerie de Marla et passerelle entre Marla et la Plaine aux Sables


Il ferait bon faire une sieste sur l'herbe tendre, en face de l'épicerie de l'ilet, mais la route est encore longue jusqu'à Roche-Plate, notre première étape. Surtout que pour agrémenter la marche, qui se fait quand même sous un soleil écrasant soit dit en passant (été austral oblige), nous avons choisi de faire un crochet par une passerelle qui va nous mener à La Plaine aux Sables, avant de plonger sur Trois Roches.

Paysages grandioses, photos, ah ! Qu'est ce qu'on est bien ! On déchante vite, car on vérifie à nos dépends ce que tout le monde dit à qui veut l'entendre : RIEN n'est plat à La Réunion ! Surtout à l'heure de la sieste, sous un soleil de plomb, où le poids des sacs se fait de plus en plus sentir, ouf ! Là, on commence à gamberger sur le contenu de ce maudit sac. Inventaire infernal et inutile, puisque de toutes façons, il faudra tout porter jusqu'à l'arrivée !



site des Trois Roches

Si la descente à Trois Roche depuis la Plaine aux Sables s'est faite cahin-caha, l'arrivée à ce petit oasis de fraîcheur est un soulagement pour tout le monde. Là, une pause s'impose ! Soins des bobos, ré-équilibrage du sac, ravitaillement, plein d'eau fraîche à même la Rivière des Galets, on y resterait bien. On regarde avec envie les campeurs installés dans un bosquet tout proche . Mais nous on repart, et comme dit le camarade qui tient la carte : "on n'a jamais été aussi près de l'arrivée !"

Oui mais en attendant, on n'en voit pas la fin. Bon, ce qu'il y a de bien, en montagne, c'est que tout ce qu'on souffre est instantanément oublié dès qu'on regarde autour de soi, tellement c'est beau ! Et on y revient, parce qu'une randonnée ne ressemble à aucune autre, même si on l'a déjà faite, et parce qu'on ne peut être blasé par les merveilleux paysages qui s'offrent à nous, sous réserve de les mériter un peu.
Bon, c'était la minute de philosophie, et entre temps  nous avons atteint Roche Plate.



la chaine du Col du Taïbit, vue depuis Mafate
aval de Trois Roches


L'étape était vraiment longue pour un premier jour : nous arrivons juste pour mettre les pieds sous la table après une douche bénie des dieux. L'un d'entre nous surprend tout le monde en sortant de son sac une bouteille de champagne ! Un anniversaire, ça se fête dignement, même au milieu des montagnes. D'ailleurs le champagne accompagne parfaitement le gâteau-patate servi en dessert.
Avant de se coucher, quelques frayeurs et un bon fou rire après coup, à cause de grosses araignées dans les sanitaires. Brrr !

27 décembre : chaleur torride. Rien d'étonnant pour la saison ! Mais un coup d'oeil à la carte fait présager encore du "bon temps" à se colleter avec du dénivelé. Et pas qu'un peu !

Bah, il fait beau, rien ne presse, on est en rando, y a pire comme situation, non ? De Roche Plate, nous gagnons la Brêche, carrefour de sentiers où l'on a le choix entre la direction de l'Ilet des Orangers et l'ascension du mur du Maïdo, qui conduit hors du cirque, dans les Hauts de St Paul. Pour nous, ce sera les Orangers. L'aventure ne fait que commencer, et, entre nous, personne ne regrette le rempart du Maïdo (ça sera pour pile dans un an, mais ça non plus, je ne le sais pas encore...).


Ilet des Orangers, et sentier vers l'ilet des Lataniers

Petit sentier sympa, à flanc de montagne, qui nous fait prendre la mesure du Cirque de Mafate. Ici, point de route, à peine un semblant de piste qui part de Rivière des Galets (près du Port, au Nord) et vient mourir à un confluent nommé Deux Bras. Pas de route, que des sentiers, autant dire que du bonheur ! Les ilets sont ravitaillés par hélicoptère ou à dos d'homme, chaque ilet a de quoi approvisionner et loger les randonneurs.

La plupart comptent un dispensaire, une chapelle, parfois une école primaire. Quant au célèbre Facteur de Mafate, qui mettait une semaine à faire sa tournée dans tout le cirque, après avoir été, à pied, chercher le courrier à La Possession, sur le littoral, eh bien le facteur profite à présent d'une retraite bien méritée à Grand Place l'Ecole. D'autres ont pris la relève, ils sont plusieurs... et toujours à pied !

Mais bigre, ça se corse, ici. Grand Place et Cayenne, l'étape du jour, semblent à un jet de pierre, et pourtant nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Une descente vertigineuse où chaque pas fait mal, une passerelle métallique, et puis, c'est pas tout ça, mais il faut remonter ! Allez, on se donne du courage, on ne pense pas au sac ni au soleil, ni à la volée de marches qui monte au dessus de nos têtes... et on les grimpe, ces marches, une par une. A l'arrivée, un havre de paix et de fraîcheur : Cayenne... l'étape.



L'ilet de Cayenne

Cette étape est particulièrement bienvenue. Moins longue que la précédente, elle a été plus pénible à cause de l'écrasante chaleur. Il faut dire, mais ce n'est pas pour me trouver des excuses, qu'à cette époque,  je ne suis pas encore "aguerrie" aux rigueurs de La Réunion en matière de soleil d'été austral et de dénivelé. Mais il en est de même pour la plupart de mes compagnons.

Sous la varangue du gîte, le soir au frais, on soigne les ampoules, on bavarde avec les autres pensionnaires, on refait le sac... et on ne se couche pas trop tard : se lever tôt pour partir tôt, et arriver tôt à l'étape suivante.

Celle-ci sera encore riche en dénivelé : de Cayenne, nous joindrons Aurère. Tous ces noms dansent un peu la sarabande dans ma tête, je ne sais pas encore les situer sur une carte, je ne mesure pas l'effort à fournir entre chaque étape. Qu'importe, ça viendra. Je suis partie pour au moins 2 ans sur l'île et je me promets bien qu'une prochaine fois, c'est moi qui ferai découvrir à d'autres les sentiers de Mafate.



vers Aurère

28 décembre : des marches, encore des marches. On ne les supporte plus. On en a la nausée rien qu'à les voir. Et pourtant...

Cayenne, Grand Place l'Ecole, Ilet à Bourse, Ilet à Malheur... autant de jalons sur le sentier d'Aurère. On finit par prendre son parti des marches. d'ailleurs, le soleil tape moins puisqu'on se trouve dans une forêt de filaos, et c'est très agréable. Nos mollets commencent aussi sans doute à s'habituer à leur lot quotidien d'efforts en tout genre.

Pause coca / bière ("la dodo lé la") selon les goûts, à ilet à Bourse ; pause déjeuner / sieste pour tout le monde à Ilet à Malheur.



Ecole d'ilet à Malheur, construite par le 4° Régiment du Service
Militaire Adapté ;
sieste devant ladite école...


Aurère n'est plus très loin. Cet ilet est assez excentré et dans la partie la plus escarpée du cirque (le nord), je le saurai plus tard (ça de plus !). En attendant, on n'y est toujours pas. Finie la sieste, c'est reparti.

Dans le groupe, les garçons sont partis devant. Et ils nous ont sorti un tour de derrière les fagots : nous, les filles, qui en avons (sans le dire) "un peu" plein les bottes ou plutôt plein les godillots, eh bien nous arrivons à une bifurcation. Des 2 côtés, Aurère. Mais la flêche gauche indique "facile" et la droite "rapide"... On n'a pas le temps de se demander où ils sont passés : une voix familière vient de la droite !

Explosion, nerfs qui craquent, récriminations, noms d'oiseaux... et contre mauvaise fortune bon coeur, puisqu'au final, en 10 mn nous sommes en haut, sans doute autant grâce à nos efforts qu'à l'idée du savon qu'on va passer aux mecs pour avoir pris d'office le chemin "rapide"...! C'est dans une franche rigolade que l'on entre dans Aurère, pas fâchés d'arriver, tous autant que nous sommes.



sans commentaires...

La varangue se trouve vite squattée par nos soins...! Heureusement, il n'est pas tard et il n'y a encore personne d'autre au gîte. Cela nous laisse le temps de nous remettre en condition en nous étalant un peu plus que de raison.

Le soir au repas, coup de fil : ça y est ! "Volcan la pété" ! Une éruption du Piton de La Fournaise ?! Et moi qui suis coincée en plein Mafate ??!!! Oh non !! Enfin, c'est bien quand même, d'être à Mafate. Mais en attendant, je loupe la première éruption d'envergure de mon séjour. Il y en aura bien d'autres, mais je ne le saurai que plus tard. (Encore, eh oui.) En attendant je me réjouis pour celui qui m'a avertie et qui se trouve sur les lieux, veinard !

Soirée tranquille, sous la varangue, face à la montagne... Le silence... Que du bonheur !




29 décembre : ah, branle-bas de combat ce matin devant la carte étalée sur une table... Je tends le cou, assez pour voir qu'un changement d'itinéraire s'annonce à l'horizon. C'est simple. Nous devons descendre d'Aurère jusqu'à la Rivière des Galets. Nous comptions le faire par le sentier traditionnel que tout le monde connait et emprunte. Mais l'un de nous a repéré hier un panneau "Bras des Merles", et après vérification sur la carte, ledit Bras des Merles s'avère être une variante méconnue pour atteindre Deux Bras.

Il n'en faut pas plus pour nous lancer sur ce sentier inattendu qui fleure bon l'aventure !

A aucun moment nous ne le regrettons. De passages escarpés ou aériens en échelles de bois tenant par miracles, le panorama est somptueux. Et nous l'apprécions d'autant plus que nous  savons cet itinéraire peu usité ! Rien que pour nous, le Bras des Merles ! Nous ne croiserons en effet personne dans cette partie de l'étape.



descente vers le Bras des Merles

Le Bras des Merles est un cours d'eau qui rejoint la Rivière des Galets au confluent dit Deux Bras. L'itinéraire suit de gros points blanc peints sur les rochers, et nous passons notre temps à traverser la rivière a gué, au milieu d'une végétation luxuriante. Quel beau sentier ! Il faudra le retenir pour une autre fois, me dis-je déjà. J'aime les endroits où personne ne va, les chemins que personne n'ose prendre. Et en 2 ans de Réunion, j'en ai découvert quelques uns.

Et en plus, il est en descente, ce sentier ! Forcément, puisqu'on suit le courant. Mais surtout, ça nous change tellement des marches d'escalier écrasées de soleil, ce ruisseau tout en ombre et fraîcheur... Ah oui, une belle étape. On en oublie presque la montée infernale qui nous attend pour sortir du Cirque, tout à l'heure. Oui, Mafate compte peu d'accès et donc de sorties, et ils sont tous raides... un peu comme le Maïdo croisé 2 jours plus tôt !!!



traversée du Bras des Merles


Pause déjeuner à Deux Bras. Nous ne sommes pas fâchés d'y être arrivés, quand même.  On économise l'eau, en prévision de la montée à Dos d'Âne, et parce que celle de la Rivière des Galets ne nous inspire pas. Cette montée est parait-il, l'une des pires de l'île. Les raideurs, les Fous qui osent s'attaquer à la Diagonale du même nom (je ne sais pas encore que j'en ferai un jour partie), la connaissent et la redoutent. Moi pour le moment, ces récits ne m'impressionnent guère. On est là, au fond d'un cirque, et il va falloir en sortir. C'est tout.

Ouuuh, pour la suite, chi va piano va sano, hein, je n'ai pas l'intention de battre des records de vitesse. Surtout après 3 jours dans les pattes. Je trouve que pour une première sortie de plusieurs jours, j'ai tout de même fait fort.

Donc, ça monte, et ça monte même très vite. Et surtout, ça n'en finit pas, c'est long et monotone. Le pire de l'histoire, c'est qu'à force de se rationner en eau, on n'ose plus boire, alors que l'on ne rêve que d'avaler de longues goulées d'eau fraîche. C'est raide aussi, du moins la première partie, le sentier est capricieux, il arrive qu'on ait  l'impression de descendre tout ce qu'on a eu tant de mal à grimper, parfois à l'aide d'une échelle ou d'une main courante.

Au loin, le Port des Galets

 
Mais, y a pas à dire, on avance quand même. De loin en loin, on voit la ville du Port qui se détache. La première fois que je l'ai aperçue, après 3 jours de crapahut, j'ai eu ce cri du coeur : "J'ai cru qu'on ne reverrait plus jamais la mer !" On est cependant loin d'être en haut, et il nous faudra bien 3 heures pour atteindre Dos d'Âne.

C'est la fin de notre épreuve. Mais qu'est ce que c'était bien ! Je suis cassée en petits morceaux, j'ai mal partout, plein d'ampoules aux pieds et le dos en compote, mais je rêve déjà de recommencer. Y a que cette dernière montée qui m'a semblé sans fin. Pourtant, il y en a de bien pires. Mais ça aussi...

je ne le saurai que plus tard !!!
 
Un p'tit coucou à mes compagnons de la CQG ; et un grand merci à celui qui a organisé cette belle randonnée.
 
                                                                                                       La Baroudeuse

Itinéraire

Jour 1 : Cilaos (route d'Ilet à Cordes) - Marla - Trois Roches - Roche Plate

Jour 2 : Roche Plate - Les Orangers - Cayenne

Jour 3 : Cayenne - Grand Place - Ilet à Bourse -  Ilet à Malheur - Aurère

Jour 4 : Aurère - Deux Bras - Dos d'Âne.



06/05/2008
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