L\'Esprit Rando

Volcan la pété !

Encore une fois, eh oui ! Nous sommes le 2 avril 2007, et au bureau, nous avons tous suivi en directà la radio, le jaillissement violent du magma, la progression de la coulée, et...oh...ooh... oui, ça y est, il est aux environs de 14h00 et la coulée a traversé la route !!!

Dès que je le peux, je balance tout, plus rien n'existe et je file au volcan, dans la nuit, sous un déluge de pluie battante, j'hésite 100 fois à faire demi tour mais tant pis, je persévère. Un seul regret, mes traditionnelles camarades d'expés sont en Métropole.

La gendarmerie est déjà là et "gère la crise" : ok pour voir le spectacle; mais pas de place à l'anrchie. On se gare là où c'est permis et on se tape 3 km (ou plus, pour ceux qui arrivent après moi) de marche. Pas grave, ça vaut le coup, je suis sûre que ça vaut le coup !

Waaah ! Un peu que ça vaut le coup ! Trempés par la pluie, fatigués par la marche, tout le monde ici présent oublie en un instant ses misères. Volcan la bien pété et même si la maréchaussée a déjà balisé la zone  pour empêcher les imprudents d'aller se brûler les pieds (hélàs pour les autres), on écarquille nos mirettes pour profiter du fabuleux spectacle qui s'offre à nous. Je l'aurai eue avant de partir, mon éruption qui traverse la route ! Comme mon cyclone, d'ailleurs, en février dernier avec Gamède.

Je mitraille, nous mitraillons, tout le monde mitraille, c'est trop exceptionnel de voir ça ! Le fontaines de lave qui jaillissent sur le flanc du monstre, la coulée noire qui a traversé la route et qui rougeoie dans la nuit... Même si une fragile tresse rouge et blanche nous en interdit l'accès, le spectacle est grandiose et inédit, et les réunionnais ne s'en lassent pas comme en témoigne la foule qui afflue en dépit des éléments déchainés.

Je me hisse sur un promontoire côté mer. La coulée n'a pas encore atteint la mer. Ce moment là sera encore une superbe séquence du terrible et perpétuel combat de l'eau et du feu... On se croirait revenu aux origines de la Terre, c'est vraiment fascinant d'être là, à quelques dizaines de mètres de cette coulée sortie tout droit des enfers.

On entend le volcan gronder, c'est fabuleux. Il faut pourtant se décider à rentrer, non sans avoir jeté un oeil sur une sorte de table d'orientation qui explique la coulée 1976. On ne le sais pas encore mais dans quelques jours, la coulée 2007 va recouvrir la coulée 76 et le site où je me trouve ne sera alors plus qu'un souvenir.

La foule continue d'arriver. Je roule à contre courant, quand soudain du haut du rempart de Bois Blanc, un coup d'oeil dans le rétroviseur me fait (presque) piler net : il est 22h00 et la coulée a atteint la mer ! Je brûle de faire demi tour, hésite, mais finalement reprends ma route. De ce côté là, il n'y a pas de points de vue. j'aurais dû être côté Tremblet. J'ai appris le lendemain qu'un groupe de veinards a bivouaqué face à la coulée, pour une nuit magique.

la coulée a atteint la mer...

Les jours suivants sont un peu décevants...enfin pas vraiment, mais disons que le sacro-saint souci de sécurité (on en crèvera) cantonne le public à des centaines de mètres de la lave. Dommage pour les photos, et puis pas moyen de se faufiler, la gendarmerie veille.

En quelques jours, c'est l'Apocalypse. Le grand spectacle tourne au vinaigre. Les coulées se rapprochent du rempart du Tremblet qu'elles enflamment, en même temps que les plantations de vanille, tout cela à quelques mètres des habitations. L'Eruption menace de sortir de l'Enclos ! Aussi, le village du Tremblet vit-il dans la crainte permanente de devoir évacuer les lieux. Certains habitants n'attendent pas l'ordre et partent de leur propre initiative, la voiture chargée à bloc. L'exode...

Dieu merci, le village sera épargné. Pompiers et gendarmes ont une fois de plus admirablement et efficacement géré la crise, et le Tremblet en sera quitte pour une grosse frayeur et quelques plantations détruites.

J'écris ces lignes en octobre 2008, et la coulée fume toujours, surtout quand il pleut. j'y ai fait fondre une paire de savates ! Plus d'un an a passé pourtant, une petite éruption a repris dans le cratère, mais tout au fond, inutile d'espérer voir quelque chose.

Et le volcan est redevenu calme... jusqu'à la prochaine fois !

La Baroudeuse